Intercommunalité, transports urbains et pouvoir d'agglomération. Cinq trajectoires urbaines
Résumé
À la suite du vaste mouvement de recomposition intercommunale en France issu de la loi Chevènement (1999), le secteur des transports urbains a connu d’importants changements institutionnels. Le succès des communautés d’agglomération, dotées de moyens financiers et de compétences renforcées (notamment dans les domaines de l’aménagement de l’espace, du développement économique et de l’organisation des transports urbains) explique l’ampleur des évolutions observées : entre 1998 et 2003, près de 60% des autorités organisatrices des transports urbains ont changé de statut, 40% d’entre elles étant désormais des communautés d’agglomération. En nous appuyant sur les études diachroniques de cinq agglomérations françaises (Rennes, Saint-Étienne, Valenciennes, Caen et Saint-Brieuc), nous nous sommes intéressés aux conséquences de ces évolutions sur l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de transports urbains. Ces observations de terrain attestent tout d’abord de la diversité des situations concernant le rôle des transports publics dans l’émergence ou dans la consolidation du pouvoir d’agglomération. Dans tous les cas, y compris lorsque les collectivités décident de maintenir une gestion sectorielle des transports publics, les logiques de réseaux tendent à être marginalisées face aux stratégies politiques territoriales. Différents indices témoignent de ces évolutions : l’adaptation des périmètres de transport aux frontières des nouvelles intercommunalités, le renforcement des capacités d’expertise et la quête d’autonomie des autorités organisatrices ou encore l’inscription territoriale des débats autour des transports publics urbains. Cette politisation des enjeux ne s’accompagne pas toujours d’une plus grande transversalité de l’action publique, comme en atteste la difficulté des nouvelles intercommunalités à se saisir de l’ensemble des moyens d’action sur les déplacements. Ainsi la segmentation des politiques sectorielles est-elle ancrée dans des modes de représentation et des pratiques anciennes que la création d’institutions aux compétences intégrées ne suffit pas (encore) à faire évoluer.