Quand les défaillances infrastructurelles recomposent les solidarités politiques : les fragmentations libanaises au prisme de l’accès à l’électricité
D’un projet national de solidarisation matérielle et politique entre les citoyens-usagers du service public d’électricité, l’infrastructure en réseau est devenue au Liban un vecteur de méfiance et de précarité pour les usagers, et plus largement, un symbole des multiples crises de l’État. Depuis la fin de la guerre civile, les coupures drastiques d’électricité rythment le quotidien des Libanais, qui, loin d’être passifs recourent à des dispositifs diversifiés d’approvisionnement. Or, ces solutions décentralisées et compensatoires ouvrent de nouveaux canaux d’échanges et d’intermédiations non seulement marchands, mais aussi politiques en favorisant l’émergence d’acteurs non-conventionnels dans la fourniture d’électricité, qui, par là même déstabilisent les formes de solidarité associées au réseau national. À mesure que le service public d’électricité se détériore, de nouveaux liens de dépendance, de domination, de solidarité ou de coopération se tissent, ces recompositions politiques étant à la fois reflet et vecteur des multiples fragmentations qui traversent le Liban (économiques, politico-confessionnelles et territoriales). L’enjeu de l’article est ainsi d’explorer les liens socio-matériels qui, entre la crise infrastructurelle d’Électricité du Liban et l’hétérogénéisation des modalités d’accès au service, se font et se défont par la fourniture d’électricité, considérant le réseau et ses alternatives décentralisées comme des espaces politiques (de contestation, d’émancipation, de domination, etc.), et ce, à partir du cas libanais, une société fragmentée où la citoyenneté est notamment intermédiée par l’appartenance confessionnelle.
Mots-clés
- Liban
- crise du secteur de l’électricité
- infrastructures de services urbains
- décentralisation électrique
- citoyenneté
- relations de pouvoirs
- régime confessionnel