Les projets des agglomérations en matière de transport : représentations, projets, conflits et stratégie de « détournement » des réseaux
Résumé
La perspective adoptée ici nous a permis d’interroger la « panne de problématisation » (Offner, 2006) en matière de politiques locales de transport et de déplacement. Ce qui est mis en avant, c’est la non explicitation, par les agglomérations, de la globalité de leur projet, de leurs stratégies et de leurs priorités.
En effet, mis côte à côte, la cartographie des multiples projets, à première vue épars, portés par les représentants des agglomérations (Aix-en-Provence, Aubagne et Grenoble) dessine un modèle cohérent bien qu’implicite, d’organisation des déplacements. Ce modèle générique d’organisation de la circulation permet aux agglomérations, en quête d’attractivité, de combiner, à leur échelle, accessibilité et protection vis-à-vis de l’automobile.
Cependant, les agglomérations ne sont que partiellement maîtresses des réseaux qui traversent et structurent leur territoire. La concrétisation de ce modèle générique se heurte à d’autres représentations du territoire, et donc à d’autres représentations de l’usage des réseaux, portées par d’autres acteurs, agissant à d’autres échelles. Ainsi, l’enjeu central, bien qu’implicite, pour les représentants des agglomérations, consiste à construire une représentation de la ville et des réseaux de transport qu’elle accueille, qui accule les gestionnaires du réseau de type autoroutier à l’évolution urbaine de l’usage de ce réseau. Ce faisant, ces voiries peuvent être utilisées pour concrétiser le projet urbain des agglomérations.
Plutôt que d’expliciter leur projet et ses implications à différentes échelles, au risque d’entrer en conflit frontal avec les autres gestionnaires du réseau, notamment l’État, les agglomérations développent des stratégies, projet par projet, de façon à « détourner » l’usage des réseaux dont elles ne sont pas gestionnaires.
Au total, adopter une démarche compréhensive pour saisir le point de vue des agglomérations conduit à relativiser les critiques relatives aux politiques de transport et de déplacement tant en termes de déficit de problématisation que d’inefficacité des procédures.