Les réseaux et la subversion du choix : un manifeste institutionnaliste
Résumé
L’une des caractéristiques éminemment durables du XXe siècle a été le développement de macro-systèmes techniques fournissant un grand nombre de services tant sociaux qu’économiques. Les chemins de fer, le téléphone, l’électricité, les services postaux, le transport aérien, etc. ont été modelés non seulement pour générer des profits, mais pour remplir un ensemble de missions sociales et politiques. Dans les dernières années du siècle, ces systèmes étaient en cours de démantèlement au nom d’une idéologie de marché camouflée sous des termes économiques, tels que concurrence ou efficacité, ou socio-politiques, tels que choix et pouvoir. Mais, confrontés à ces systèmes dérégulés, ceux qui en dépendent — les « consommateurs » — trouvent de plus en plus que la concurrence est une chimère, que l’efficacité reste bien peu tangible, que leur pouvoir dans la société est négligeable et que leur possibilité de choix est au mieux un fardeau et au pire une illusion. Les réseaux techniques qui avaient été institutionnalisés par leur inclusion dans la trame même du tissu social en sont arrachés, en même temps qu’ils sont enlevés des mains des régulateurs, par un mouvement de retour aux structures et aux pratiques de marché qui avaient été à l’origine de l’introduction de la réglementation au début du siècle. De prétendues entités concurrentielles sont reconstituées, dotées de formes nouvelles et incontrôlées de pouvoir de marché. Une re-réglementation de ces systèmes serait cependant ardue, tant du fait de la domination de la nouvelle idéologie économique qu’à cause de la difficulté de contrôler des entreprises et des groupes de plus en plus décentralisés et transnationaux.